Un simple son, une odeur, une saveur, peuvent parfois ranimer des souvenirs qu’on croyait oubliés et vous ramener d’un coup à votre passé. C’est la célèbre histoire de la « petite madeleine » de Marcel Proust.
Et bien le système fonctionne aussi chez les abeilles. La perception soudaine d’une odeur particulière suffit parfois pour enclencher l’envol d’un paquet de butineuses de la ruche vers la source correspondante.
Le Dr Judith Reinhard et ses collègues australiens de l’Université Nationale de Canberra se sont astreints à la confection de deux parfums bien particuliers, deux mélanges différents de citron, d’amande et de romarin, dont ils ont doté provisoirement deux sources distinctes de nourriture. Ensuite, on retire les « parfumeurs » qui permettaient de personnaliser ces deux sources de butin. Enfin, en utilisant un petit ventilateur, on diffuse l’un des deux parfums à l’intérieur de la ruche. Cette diffusion provoque immédiatement l’envol des butineuses vers la source correspondante à tel point que 93% des abeilles en moyenne atteignent l’emplacement où elles avaient perçu précédemment ce parfum particulier.
Les chercheurs supposent que ces souvenirs peuvent se déclencher lorsqu’une butineuse rapporte de nouveaux échantillons de nectar à la ruche et que ce processus peut être distinct ou complémentaire de la danse frétillante. Il semble qu’une butineuse expérimentée peut mémoriser non seulement l’odeur et le goût d’un nectar particulier mais que le rappel de ces simples souvenirs peut également l’aider à retrouver la distance et la direction de la source de nourriture, voire certaines particularités de la route vers le butin, la couleur et la forme des fleurs correspondantes, bien d’autres choses encore. Ces capacités de mémorisation contribuent à augmenter l’efficacité du butinage de l’abeille mellifère par rapport à celui d’autres insectes.
Simonpierre DELORME ()
Sources :
- Judith Reinhard, Mandyam V. Srinivasan & Shaowu Zhang : « Olfaction : Scent-triggered navigation in honeybees », Nature, 29.01.2004. Judith Reinhard,