Rucher slovène

Contre la dérive des butineuses : une solution non traditionnelle

RESUME: La « dérive » des butineuses est un problème récurrent dans les ruchers importants. Dès qu’il y a concentration des ruches, les butineuses, dans l’exaltation et la précipitation des grandes miellées, vont se tromper de ruche au retour et foncer vers la plus proche avec le butin qu’elles rapportent. Parce qu’elles rapportent des provisions, elles seront généralement acceptées sans problème par les gardiennes de l’autre peuple. En quelques semaines certaines colonies vont se gonfler de main d’œuvre et d’autres s’affaiblir. Par exemple, si on aligne sur un seul rang une grande quantité de ruches, les colonies des deux extrémités grossiront généralement au détriment des colonies du centre. Pour un apiculteur professionnel c’est une mauvaise gestion de ses travailleuses. Pour un apiculteur tout court, c’est aussi un risque accru de transmission des pathologies, des virus, des parasites. Vincenzo Menna qui déplace environ 80 ruches peuplées et organise autour de son camion le regroupement de ses colonies, a trouvé une solution. Il a réinventé « die kruis van ossewa, » le cercle de chariots des « Voortrekkers » du Transvaal ou des pionniers de la Piste de l’Oregon, qu’on ne peut pénétrer directement. Et ça marche depuis vingt-cinq ans …

Transhumer oblige à déplacer et repositionner ses ruches. Vincenzo Menna, qui transhume depuis bien longtemps, a développé une méthode de positionnement pour limiter la dérive.
La dérive des butineuses est un problème bien connu. Au retour du butinage, les abeilles « ratent » leur ruche pour diverses raisons : mauvaises conditions atmosphériques, présence de vent qui déporte, excitation des grandes miellées, souvent aussi mauvaise disposition des ruches. Les butineuses vont alors s’incorporer à une autre colonie.

Si au départ, on avait souvent regroupé dans tel ou tel rucher des colonies de force homogène, on peut arriver en finale à voir telle ruche regorger de butineuses tandis qu’une autre en sera presque démunie. Dans les cas les plus graves, cela peut compromettre certaines récoltes.
Au début des années 80, Vincenzo Menna a recherché des solutions : colorisations diverses des ruches évidemment, herbes hautes devant l’entrée des ruches, positionnement par rapport à certaines plantes, voire implantation dans telle ou telle. Rien n’était vraiment efficace. Il a rangé ses caisses en file simple, double ou triple, comme il le voyait faire et un jour il a pensé qu’il fallait obliger les abeilles à arriver par le haut au lieu d’arriver en vol rasant. Il a alors disposé ses ruches en pétales mais avec toutes les entrées vers l’intérieur du cercle fermé.
Dès le début, les résultats ont été concluants : Obligées d’arriver en hauteur, les abeilles s’orientent beaucoup mieux et laissent travailler l’apiculteur sur les côtés et derrière la ruche.
Pour aménager son travail, Vincenzo Menna a testé diverses formes géométriques (cercle, carré, ovale) mais toujours avec les entrées vers l’intérieur de la forme.
Quand il travaillait encore à la main, il disposait les ruches en ovale autour du camion ou encore en deux cercles de chaque coté, ce qui a toujours donné de bons résultats.
Actuellement pour un camion d’environ 80 ruches, il préfère les arranger en quatre modules plus ou moins carrés, de 20 ruches chacun, avec les aménagements auxquels les divers terrains et les diverses situations peuvent obliger.
La disposition de trois modules en file donne des résultats un peu moins bons et il arrive que le module central perde un peu de butineuses. Deux règles strictes sont à respecter : Ne pas faire de formes ou de modules trop grands et toujours laisser les ouvertures vers l’intérieur de la forme sans se préoccuper de l’apparente confusion que les abeilles semblent créer.
Il y a 25 ans que Vincenzo a mis au point la « méthode Menna » et qu’il en est satisfait. Comme il le dit en terminaison de son article, cela ne coûte rien d’essayer: « provare non costa nulla ».

Simonpierre DELORME   ()

 

Sources :

Article publié dans la revue Abeilles & fleurs n° 674 de juillet-août 2006