Jo Handelsman
Jo Handelsman


Le B.t.. c’est le Bacillus thuringiensis, c’est-à-dire l’insecticide organique le plus utilisé au monde. Tous les apiculteurs connaissent la préparation qu’on vaporise sur les cadres pour y tuer les larves de fausse teigne qui aiment tant s’installer sur les vieilles cires qu’on entrepose. Tous ne savent pas forcément que ce bacille qu’on a découvert en 1911 s’est généralisé depuis les années 50 dans l’agriculture, l’entretien des forêts et la lutte contre les diverses « pestes » qui ravagent les cultures, en particulier les chenilles.
Diverses préparations à base de B.t. sont autorisées en agriculture biologique.
Parmi les plantes génétiquement modifiées, les plus utilisées et les plus plantées aux États-Unis en particulier, sont souvent celles qui possèdent le gène de la toxine de cette bactérie (comme le « maïs Bt » par exemple).

Or ne savait pas très bien jusqu’ici comment fonctionnait le Bacillus thuringensis. On pensait simplement que la toxine provoquait une infection généralisée de la larve ou bien qu’elle attaquait les cellules de l’appareil digestif du ravageur et l’affamait. Comme cela arrive parfois, la vérification des hypothèses généralement admises n’avait pas été faite et on ne se posait guère de questions.

Or les recherches menées par Nichole Broderick, Kenneth Raffa et Jo Handelsmann de l’université du Wisconsin ont montré que le bacille ne devient mortel qu’avec l’aide et la présence de la flore microbienne normale dans le système digestif des ravageurs visés. Si les micro-organismes qui constituent cette flore microbienne ont été détruits par des antibiotiques, par exemple, le bacille deviendra inopérant. Cela étant, le rôle exact de ces micro-organismes n’est pas encore bien caractérisé et d’autres études sont encore à prévoir.

Jo Handelsman

Tous les animaux, humains compris, sont dépendants des interactions de multiples bactéries qui colonisent l’estomac et les intestins depuis la naissance. Les chenilles des mites sur lesquelles a porté l’étude ont seulement de 7 à 20 espèces de bactéries dans leur système digestif, qui est moins complexe que celui des mammifères et même que celui d’autres insectes. La flore microbienne des humains compte entre 500 et 1000 espèces distinctes installées dans le système digestif.

Le premier intérêt de cette découverte est peut-être la possibilité de renforcer l’action insecticide du B.t. en jouant sur les micro-organismes. Les implications sont multiples dans l’agriculture. Le second est d’ouvrir une autre piste de recherche. Un phénomène semblable pourrait-il exister dans certains types d’infections humaines ? Dans ce cas, la compréhension du phénomène de médiation entre la toxine et les micro-organismes de l’hôte peut avoir des implications médicales.
On sait que la flore intestinale d’un humain contient entre 500 et 1000 espèces différentes – beaucoup plus que la flore intestinale des insectes – qui régulent le fonctionnement de son intestin. D’après Jo Handelsmann, de nombreux cas de septicémie humaine ont pour origine des bactéries intestinales. Si ce mécanisme est partagé par le B.t. et les toxines produites par des pathogènes humains, les conséquences seront encore plus grandes en santé humaine qu’en agriculture. Les cultures qui ont été faites dans ces conditions anomales ont déjà permis la capture d’informations génétiques habituellement impossibles à capturer, la découverte de nouveaux antibiotiques et celle de gènes de résistance aux antibiotiques.

Jo Handelsman dirige maintenant à Yale le département de Biologie moléculaire, cellulaire et biologie du développement. Elle fait aussi partie des équipes qui se sont attachées à réfléchir et à réorganiser les études scientifiques pour les rendre plus attrayantes et plus faciles à aborder et à poursuivre par les étudiants, conformément aux directives gouvernementales étatsuniennes soucieuses d’en faire un pôle d’attraction et de développement. Cette recherche de créativité et de rigueur dans l’enseignement et l’encadrement (le « mentorat » selon la recommandation de la DGLFLF) lui a valu la Presidential Award for Excellence in Science, Mathematics, and Engineering Mentoring. La promotion (annuelle) de janvier 2011 comptait 11 personnes.

Simonpierre DELORME   ()

 

Sources :

  • Nichole A. Broderick, Kenneth J. Raffa & Jo Handelsman : « Midgut bacteria required for Bacillus thuringiensis insecticidal activity » – Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) (2006) Vol.103 n°4 (Full text)
  • Nichole A. Broderick, Kenneth J. Raffa & Jo Handelsman : « Chemical modulators of the innate immune response alter gypsy moth larval susceptibility to Bacillus thuringiensis » – BMC Microbiology (2010), Vol.10 n°129 (Full text)

Un premier petit écho sur le B.t. avait été publié dans Abeilles & fleurs N° 685 de juillet-août 2007