Dans le numéro 124 de novembre-décembre 2004 de la revue espagnole Vida apicola, Silvia Cañas, la directrice de la revue signe un reportage sur Cearapi, une entreprise du « nordeste» brésilien qui pratique l’apiculture bio à grande échelle. Le terme brésilien est « organico. » Il correspond à notre terme « bio » (voir la réglementation européenne du 19 juillet 1999), à l’espagnol « ecologico » à l’allemand « ökologisch » ou « biologisch, » à l’anglais « organic. »
Le « sertão» brésilien est une terre pauvre inutilisable pour une agriculture intensive mais la floraison des arbres et des arbustes y permet d’abondantes récoltes.
L’entreprise
Paulo Levy
est zootechnicien, apiculteur et gérant d’une société d’embouteillage depuis 1981, Luis Carlos Costa est un spécialiste du commerce international et Marco Bosia un vétérinaire suisse, apiculteur professionnel expérimenté dont la patte est visible dans toute l’organisation. Leur entreprise a été crée à Ceará en 1998. Si elle ne possède que 400 ruches en propre, elle collecte et exporte le miel de 35000 ruches, dont les propriétaires associés ont du s’adapter aux normes rigoureuses du marché international (matériel inoxydable, hygiène, etc.) et suivent des formations régulières avec un soutien gouvernemental. Maria José Anastacio est responsable de la formation permanente qui, au delà de la simple apiculture, concerne toutes les activités économiques compatibles avec la production de miel bio.
Certification
C’est en 2002 seulement, après un long travail de sensibilisation et de formation, que l’Institut Biodynamique du Brésil a certifié le miel de la société. L’IBD est reconnu par la Fédération internationale des mouvements agricoles écologiques (IFOAM), le Ministère de l’agriculture des Etats-Unis (USDA), le DAR allemand (pour la certification ISO 65) et le JAS japonais. L’institut a deux labels, IBD pour l’agriculture organique et Demeter, bien connu, pour l’agriculture biodynamique. Actuellement ce miel écologique s’exporte vers les USA, le Canada, l’Europe (Allemagne, Espagne, Italie, Grande Bretagne, Hollande), l’Australie et le Japon.
Une production écologique
La norme brésilienne (comme l’européenne) exige l’absence de toute source potentielle de contamination (agriculture conventionnelle, zone urbaine, usine, etc.) dans un rayon de trois km autour des ruchers. Le matériel d’extraction utilisé doit être en acier inoxydable. Quant au matériel utilisé par les coopératives, jusqu’aux véhicules, il est contrôlé par le Service Fédéral d’Inspection brésilien. La cire est traité, recyclée et vérifiée entre les producteurs pour éviter toute intrusion de cire étrangère non écologique. (Cela dit, la cire d’où qu’elle vienne, absorbe et conserve pesticides et virus, et son renouvellement systématique, par de la cire nouvellement secrétée par les abeilles, est rapidement indispensable).
Il en est de même pour l’alimentation des colonies des coopératives, pour laquelle l’IBD contrôle toutes les factures et effectue des prélèvements, pour éviter par exemple l’intrusion de soya transgénique dans les substituts protéiques.
Dans la pratique, même avec des GPS intégrés pour la localisation par satellite, le fait de transhumer suppose un lourd travail d’information de la part des apiculteurs qui doivent contractuellement indiquer en permanence le détail de leurs mouvements et permettre des inspections régulières de l’institut.
La résistance de l’abeille africanisée à Varroa et à la loque représente un facteur clef de cette production. Les 400 colonies propres de l’entreprise ne concourent pas à la production de miel mais elles servent à tester les nouvelles techniques. Les caractères africains sont plus forts chez les abeilles du « Nordeste » que dans le reste du Brésil où la tradition d’une apiculture professionnelle est plus forte : d’où beaucoup plus d’agressivité, beaucoup plus d’essaimage, l’abandon fréquent des colonies, y compris de celles qui ont du couvain, etc.
L’africaine est plus petite et elle construit, dans la nature, ses gâteaux plus jointifs. Paulo Levy et Marco Bosio ont donc adapté les ruches Langstroth pour réduire l’espace entre rayons à 3,2 mm, soit un corps de ruche de 11 cadres au lieu de 10 (les hausses, en général moyennes, restent à 9 cadres). Dans le même esprit, les cires gaufrées utilisées permettent 900 cellules par décimètre carré. D’après Marco, les ruches sont ainsi plus saines et les colonies produisent plus.
Transhumance
Le Nordeste se divise en trois zones : le littoral, les montagnes et le sertão. Les floraisons différentes permettent un cycle annuel complet et pratiquement sans arrêt de transhumance qui peut représenter plus de 1000 km de voyage. Les floraisons se succèdent bien mais l’abondance du nectar dépend aussi des pluies qui varient selon les endroits et les années. Les ruches de transhumance peuvent atteindre une moyenne de 100 kg de miel à l’année, les fixes 40 kg. (l’auteure, qui n’est pas ignorante en apiculture, dit bien « peuvent atteindre »)
La diversité des régions et la richesse en nectar de certaines flores permettent une grande diversité de miels monofloraux mais seuls trois types sont actuellement exploités comme tels : le marmeleiro (Croton hemiargyreus), un miel très aromatique, très apprécié au Brésil et vendu en Allemagne sous l’appellation de « miel brésilien », le cipó-uva (Serjana Sp.), très clair et doux, et les miels d’oranger. Le Brésil est le premier producteur mondial de jus d’orange, les orangeraies sont très vastes et très mécanisées. Diverses enquêtes ont montré que la pollinisation par les abeilles rendait les arbres plus prolifiques et les oranges plus juteuses et plus résistantes à l’emballage. La plupart des orangeraies ont d’ailleurs leur propre rucher (à l’inverse de l’Espagne où, rappelle la rédactrice, les relations entre producteurs de fruits et apiculteurs sont souvent difficiles).
(la suite dans la seconde partie)