Robin McKie, le rédacteur scientifique de l’Observer, vérifie probablement ses citations. Il nous épargnera donc la citation « tarte à la crème » attribuée à Einstein mais il n’oublie pas les amoureux (britanniques) de l’abeille (britannique) comme William Shakespeare ou John Keats (c’est quand même plus chic !) voire Jill Archer (Un célèbre feuilleton familial de la BBC – The Archers – compte une apicultrice parmi ses héroïnes).
Hélas, cette humble abeille, quintessence de la grande-bretonnitude (quintessence of Britishness), saluée par les insulaires comme un réassurant symbole de l’été (hailed as … nous ne faisons toujours que citer), est régulièrement importée et cela commence à se savoir, surtout depuis qu’un jumbo jet de la British Airways, au cours d’un vol Sydney Londres, a dû se poser en catastrophe en plein Kazakhstan, parce qu’un petit paquet d’abeilles qu’il transportait avait fait des siennes dans le système d’alarme anti-incendie.
Le Dr Ivor Davis, président d’un des deux syndicats apicoles (britanniques) a donc expliqué que le déclin sérieux de ses populations d’abeilles, conséquence des maladies (étrangères) et d’une résistance grandissante des agents d’infection aux médicaments utilisés, posait un problème sérieux à ses membres. « Les gens sont prêts à faire n’importe quoi pour essayer de redresser la situation et restaurer leurs populations et l’importation d’abeilles d’Europe et d’Australie est un des moyens employés mais il n’est pas sûr que cela nous aide à long terme. »
La crise de l’apiculture britannique date des années 90 lorsque Varroa destructor annihila toute une partie des colonies, en particulier des colonies sauvages. Aujourd’hui, un essaim laissé à lui-même sans personne pour s’en occuper risque de ne pas survivre très longtemps.
L’année dernière, un retour en force de Varroa a entraîné une chute brutale du nombre de ruches et donc de la production de miel. Le miel n’est cependant qu’une des facettes du problème, la pollinisation, qui façonne les paysages, les prairies et les vergers des Iles Britanniques, est bien plus importante. En l’absence d’abeilles, cette pollinisation trouverait assurément d’autres vecteurs, mais combien plus imparfaits ! « Nous pensons que les abeilles sont une donnée intangible, ce qui est une grande erreur. Ce sont elles qui ont rendu la vie acceptable dans notre pays depuis des siècles. »
John Howat, secrétaire d’un syndicat professionnel, rappelle quelques évaluations : Sans pollinisation des vergers, ce serait 180 à 220 millions d’euros de revenu de produits agricoles en moins, pour les producteurs directs. En tenant compte du circuit complet de commercialisation, on arrive à une perte de 700 millions à un milliard et demi d’euros pour l’économie. Pas mal pour un chétif insecte !
Encore faudrait-il que ces capacités soient récompensées ou simplement reconnues… Les apiculteurs sont furieux de l’attitude du gouvernement britannique. Ce dernier a récemment coupé les crédits à divers projets susceptibles d’aider les abeilles, en particulier un projet de recherche d’agents biologiques contre l’infection de Varroa. Une tentative récente de tailler sauvagement dans le personnel des services vétérinaires a rajouté à la hargne. « Notre gouvernement dépense un million de livres par an (1,4 M d’euros) pour une créature qui en vaut mille fois plus pour notre seule économie et qui représente en outre un montant inestimable pour notre environnement. C’est parfaitement ridicule » déclare John Howat.
Quant à la BBA, le premier syndicat mentionné, il critique vivement la relâche des règlements d’importation d’abeilles, ce qui va faire augmenter le risque d’importation de la loque américaine ou du petit coléoptère des ruches. Mais les apiculteurs, professionnels ou non, qui ont des contrats renouvelables avec les propriétaires de vergers pour leur pollinisation n’arrivent plus à fournir et doivent importer des abeilles.
Il est vrai qu’il s’agit le plus souvent seulement de reines, ce qui limite (un peu seulement) les risques d’épizooties importées. Normalement, dans le petit paquet qui contient une reine et sa cour, seule la reine doit se conserver pour être graduellement introduite dans une nouvelle colonie, et aider à la formation d’une nouvelle colonie, et les abeilles de la petite cour d’origine doivent être tuées. (Ah bon, mais qui fait cela dans la pratique, et à quelle phase de l’introduction ?) Une reine coûte une centaine d’euros (Cela nous paraît bien cher) mais une bonne reine avec un bon pedigree peut monter à 700 euros (Cela nous paraît très cher).
Ivor Davis ajoute : « Cette industrie existe depuis des siècles. Elle ne va pas disparaître en un jour. Mais si d’autres maladies se développent, alors la situation sera vraiment préoccupante. »
Sources :
- « Honey, our bees are vanishing » The Observer Magazine (30 avril 2006) (http://observer.guardian.co.uk/)
Article paru dans Abeilles & fleurs N° 674 de juillet-août 2006